Le gamin vivait dans un trou. Il ne se rappelait plus son prénom. Du coup les autres l’ont appelé Trou d’terre. Tout simplement. Alors Trou d’terre a rejoint la communauté « de l’avènement du dernier jour ». Saint Christophe de la grande Eglise Stellaire, le guide de cette communauté, annonçait l’arrivée prochaine du Christ Cosmique à bord du vaisseau spatial de la très sainte Vierge Marie mais il permettait aussi à tous de se nourrit sur le travail des champs. Bien sûr tout lui appartenait: Matériel, armes, femmes, nourriture, carburant… Et chacun devait contribuer à augmenter ce stock de ressources pour que le Christ Cosmique soit satisfait lorsqu’Il arriverait enfin.
Et enfin un beau jour, ce beau jour arriva. Saint Christophe de la grande Eglise Stellaire annonça à tous que le Christ Cosmique était là et qu’il allait les amener en son royaume plein d’électricité, d’internet et d’eau courante. Cependant, ne pouvant emporter que leur âme, ils devaient tous se pendre dans la grange. Les cinquante membres de la communauté, ravis de ce départ, s’encordèrent alors le cou tous ensemble et sautèrent du grenier. Mais pas Trou d’terre. Il trouvait ça dangereux. Et tandis que les derniers tressautements des agonisants au bout de leur corde froissaient le silence, il s’aperçu que trois autres personnes n’avaient pas fait le grand saut. Cartman, l’oracle crasseux, Aaron, le chasseur malin, et Georges, le beau parleur. Tous les quatre descendirent sans un mot et regardèrent le ford Kuga de Saint Christophe de la grande Eglise Stellaire, plein de matériel, s’éloigner dans un nuage de poussière. Ils prirent ce qui restait, saluèrent une dernière fois leur anciens compagnons qui se balançaient tristement dans la grange, et se mirent en route vers l’est.
Deux ans plus tard, ils sont tous les quatre installés dans la communauté de la troisième ruche. Nichés en haut de vieilles barre HLM délabrées, ils exploitent le miel des ruches qui rampent le long des parois avec leurs nouveaux compagnons en regardant passer les crues et la forêt qui s’étend à perde de vue. Georges va rencontrer les voyageurs aux différents carrefours. Il sait reconnaître les bonnes gens et les bandits, les égarés et les vagabonds. Il a toujours une histoire à échanger et se tient au courant des rumeurs. Trou d’terre va souvent jusqu’au Moulin. Cette communauté ramasse les olives sauvages et en fait de l’huile. Contre un sac de fruits amères, le gamin obtient souvent un repas. Aaron n’a pas vingt ans mais sait déjà se servir de son arc. Il chasse pour la communauté et va souvent du côté des naïfs pêcheurs de la Bordure troquer du gibier contre du poisson ou des coquillages. Cartman, lui, reste plus volontiers en hauts des tours. Plus d’un aventurier téméraire s’est fait rattraper par une crue. Et puis Andréa tente encore de faire de la bière. Ce serait dommage de raté le jour où il produira quelque chose de buvable ! De toute façon, ses visions et sa faculté à communiquer avec la nature l’amène à être souvent sollicité par Philippe, le chef de la communauté, qui pour le coup a fusionné avec une ruche. Drôle de mutation. Peut être est-ce pour cela que les abeilles les tolèrent tous si bien.
D’ailleurs il est encore venu ce matin, le Philippe. Une rumeur prétend qu’un groupe de nomades à mis la main sur un stock de médicaments. La communauté en manque et il veut que Cartman et ses trois compagnons remontent leur piste pour négocier l’achat de ces produits. La rumeur a été entendue par Georges et, alors que ce dernier raconte les faits, Trou d’terre croit reconnaître l’endroit où ils sont passés et se propose d’y mener le groupe.
Faisant le plein de matériel, ils se mettent en route. Mais le chemin proposé par le gamin est peu praticable et ils avancent lentement. C’est donc sans surprise qu’ils se font surprendre non seulement par la nuit mais aussi pas une averse de fin du monde.
Cartman et Georges montent le camp et tentent de récupérer de l’eau potable pendant que Aaron part explorer les environs. Trou d’terre, quant à lui, préfère s’isoler sous une feuille immense pour observer une chenille énorme construire patiemment son abri.
Aaron découvre une ruine dont le propriétaire parait s’être suicidé il y a des années. L’endroit semble avoir été fouillé mais superficiellement, aussi est-il récompensé de quelques trouvailles dont des pièces mécaniques et une radio quasi neuve ! Peut être Cartman ou Georges seront-ils la remettre en marche ? Après tout, ils ont connu un monde où un objet comme celui-ci était banal !
Mais autour du feu de camp, alors que la bâche claque sous l’averse, une visite inattendue et pour le moins surprenante vient interrompre les rêveries de Cartman et Georges. Un type vêtu d’un simple bermuda effiloché se présente à eux. Sans un mot. Il est d’une blancheur maladive et son visage disparait sous le crane d’un animal quelconque et une foret de brindilles, d’herbes crevées et de plumes. Il ne dit rien.
Cartman est étonné de voir ce personnage étrange se tenir devant eux. Mais sa stupeur atteint son comble quand il comprend que Georges, lui, ne le voit pas.

