Alors c’est une aventure à cinq. 2 femmes, 3 hommes.
Il se reveillent dans la pénombre, la chaleur, l’odeur, les gémissements et le roulis constant. Ils sont habillés pareils avec une tunique rouge ridicule.
Nos protagonistes ne se souvenaient de rien. Ni leur nom, ni leur adresse, ni comment ils se retrouvaient ici, à priori dans la cale d’un bateau, entassés avec une cinquantaine d’autres personnes.
Juste, parmi les visages anonymes et dans l’obscurité, ils s’etaient reconnus, tous les cinq. Ces visages-là, ils avaient vécu des choses avec. Des choses marquantes. Alors ils se regroupent, bousculant les pleurnichards et les désespérés. Eux, ils le sentaient, ils n’étaient pas des pleurnichards. Ils étaient des durs. Si on avait été dans les années 80, ils auraient eu une mâchoire carré, un menton-fesse proéminent et une moustache. Et ça aurait été moyen sur les deux filles du groupe.
Je m’aperçois qu’il est peut être temps que je vous les présente. Ils ont tiré leur personnage au hasard. Honneur aux connasses: Cécile, avec ses 50 kgs tout mouillés, incarne une montagne de muscles à faire tomber en burn-out un boucher-charcutier. Aurélia sera déçue tout au long du scénario d’être tombé sur un type lambda, avec un physique encore plus lambda. Seb, lui, a une tête de voyou, un corps de voyou… Un vrai fantasme de lycéenne qui rêve d’une relation toxique pour faire bisquer les copines. Ulysse devient un canon, petit format, toute en muscle et envie de meurtre furtif (mais qui n’a pas ce genre d’envie?) Arnaud, enfin, n’est pas un clochard. A son grand désarroi, il est aussi musclé que Cécile (enfin son personnage) mais en plus jeune.
Notre groupe de costauds (sauf Aurelia, suivez un peu!) est secoué par un choc et des grincements. Le bateau doit être arrivé à quai. Devant eux, une paroi se baisse pour se transformer en passerelle. Des voix autoritaires hurlent l’ordre de sortir. Ulysse ne voit rien, il est à hauteur de cul dans la foule. Il grimpe sur les épaules de Cécile (une situation difficile à imaginer si on oublie que ce sont leurs personnages qui font ça, et pas les vrais).
Malheureusement, un propriétaire de voix autoritaire, avec un corps tout aussi autoritaire et un équipement de CRS un jour de manifestation d’ultragauchiste, saborde cette initiative d’un coup de crosse dans la tronche d’Ulysse, lorsque les deux zouzous passent à sa portée.
Le contact avec la terre ferme est brutale, mais au moins ils sont sur la terre ferme. Encadrés par un cordon de gardes costauds, les cinq zigotos sont sur un quai, dans la foule de tuniques rouges qui se rassemble devant des baraquements en préfabriqué.
Ils y entrent un par un. Et on ne répondra pas à leurs questions. De toutes façons, les 2 gardes à l’intérieur, le néon pourri qui grésille, le fauteuil de dentiste et le gars patibulaire assis derrière le bureau n’aident pas à créer une atmosphère conviviale.
On leur demande leur nom et prénom. C’est un peu le problème de l’amnésie, ça créé des situations inconfortables. Mais peu importe. L’administration a tout prévu. Les deux les plus lents du groupe seront ainsi baptisés : Cécile sera John Deuf, Ulysse sera Harriet Cover (mais vous pouvez l’appeler Harry). Ils auront aussi tous un numéro de matricule. Après quelques obligations administratives que l’on subit tous lors de nos rendez-vous à la secu (marquage au fer rouge, ponction d’un quart de litre de sang, électrocution sur les tempes), ils sortent par une autre porte. Aaaah découvrir une nouvelle ville, c’est toujours un grand moment d’enthousiasme.
Le côté pittoresque est ici incarné par les immeubles pourris, les voitures calcinées et les tas de gravats. Il n’y a qu’une avenue. Toutes les tuniques rouges s’engagent dessus. On voit au loin les lumières et les bruits d’une ville (Honk-Kong? New-York?). Après avoir hésité sur la marche à suivre, et ramassé un caillou (Arnaud aime les cailloux), notre petite troupe de touristes musculeux (Pas Aurélia) s’engage avec confiance dans l’avenue.
Un peu trop confiance d’ailleurs, car un de nos loulous, passant trop près d’une porte d’immeuble, se fait tirer à l’intérieur. Ni une ni deux, les quatre restants s’y engouffrent aussi. Aurélia en dernier, hésitante devant la capacité de son corps à résister aux agressions physique (surtout en comparaison des quatre bourrins qui l’accompagnent).
Dans cet immeuble abandonné, décoré comme à l’extérieur avec gravats et vitres cassées (Valérie Damidot viendrait te maroufler tout ça, je te le dis), ils sont entourés de cinq types, armés de pétoires étranges et rouillées. Dans la tête de nos protagonistes, il y a comme un déclic. Ils évaluent la situation et le meilleur moyen de dézinguer ces gonzes (Sauf Aurelia, qui décide de rester dans son coin et de prier, on sait jamais).
Ni une ni deux, la bagarre s’engage et nos héros montrent leur supériorité : deux des adversaires armés meurent vite, la trachée artère écrasée d’un coup de tranchant de la main pour l’un, et empalé sur un fer à béton pour l’autre.
Celui qui paraît être le chef de cette bande de clampins panique un peu (je voudrais vous y voir). Il répondra aux questions. Ici c’est « la fosse ». Eux ils forment un gang, qui essaie de survivre comme il peut. Ils auraient bien voulu recruter nos héros. On sait jamais, des fois qu’ils soient tentés par la liberté, la bagarre, les fringues pourries, les armes rouillées et la joie de mourir sous les coups des gangs rivaux. Les clampins veulent pas aller à la ville là-bas. Ils veulent pas devenir des serviteurs.
Un dernier détail: ici, on ne meurt pas. D’ailleurs les méchants trucidés poussent un cri et se relèvent. Ils ont bien du être mort, mais 5 minutes. Ils ont l’air frais et dispos pourtant. Mais bon. Il paraît qu’il faut pas mourir trop souvent, sinon on se transforme en zombi.
Aurélia trépigne : mais pourquoi ne peut elle pas récupérer son personnage necro-zoophile de Zcorps ? Vous imaginez les possibilités ? On tue, on viole, ça se réveille, on recommence ! Le cycle infini du bonheur !
Pas du tout sous la menace, les clampins offrent avec générosité et un regard terrorisé, un peu d’équipement à nos héros: quatre pistolets rouillés, un poing americain, ainsi que des paires de chaussures, que Cécile devra transformer en tongs parce qu’elle chausse du 52 (on admirera l’acting de Cécile, qui doit pas rencontrer ce problème très souvent dans la vraie vie).
N’ayant de toutes les manières pas d’autres choix (encore qu’Arnaud a fantasmé un peu une vie de clodo, la force de l’habitude), nos héros repartent vers la ville.
La ville et ses lumières, la ville et ses magasins, la ville enfin.
Au bout de l’avenue, c’est une grande place ronde, cerclée d’une rue. Il y a foule. Des tuniques rouges, des mastards en treillis avec des couteaux, des matraques, des chaînes de vélos. Et puis il y a aussi des gens grands, très grands, avec la peau rouge vif ou noire-noire-noire. Et des cornes sur la tête, grandes ou petite.
Aurélia, qui jusque-là partageait son temps à la table entre dormir et boire de la red bull, ouvre un œil : Est-ce que la taille des cornes est proportionnelle ? Proportionnel à quoi ? On ne saura jamais. A la taille de leur nez peut-être? Ou de leur mains ?
En plus de ces attributs, ces étranges personnages, habillés en costume trois pièces, en fringues à la mode ou en tailleur, portent avec fierté une grande queue fourchue (sur le derrière, pas sur le devant). Un écran géant s’anime et un type tout noir avec des cornes (de taille MOYENNE) souhaite la bienvenue à toutes les tuniques rouges qui viennent d’arriver par le ferry.
Mais pas le temps de niaiser, notre petit groupe favori se fait entourer par des brutes qui ont une envie certaine de les faire monter dans leur van, de force (la notion de gré restant assez relative).
Quelques instants plus tard, après avoir dessoudé deux-trois sbires, nos héros se disent que récupérer le van et se barrer d’ici semble être une bonne idée. Pas de chance, les vilains restants veulent retourner chez leur maman aussi, et il va falloir les faire sortir du van. D’autant qu’un hélicoptère survole la scène en demandant poliment à tous ce petit monde de se disperser. Mais il en faut plus pour impressionner notre groupe. Arnaud grimpe côté passager de la camionnette, et fait œuvre du caillou-power. Une technique rodée qui a fait ses preuves, et qui lui permet d’envoyer valdinguer le chauffeur du véhicule à l’extérieur. Seb rentre par la porte latérale, suivi de près par Aurélia. L’hélicoptère ouvre le feu. Le van est troué de partout plus fort que la cervelle d’Arnaud (profitez, c’est gratuit), et le moteur est naze.
Les sbires ont pris ce qui leur reste de jambes à leur cou. Aurelia, en essayant de sortir du van, à effectué une magnifique réception avec les dents. L’hélicoptère s’éloigne, satisfait d’avoir fait régner l’ordre à l’aide de plomb et de poudre à canon.
Une grande voiture, type américaine des années soixante, se gare derrière le reste de camionnette. Une diablesse en sort. Elle est habillée en bikeuse avec deux grandes cornes sur la tête (la théorie de la proportionnalité s’envole, mais la possibilité de s’accrocher aux cornes lors de situations scabreuses est évoquée autour de la table). Elle a un physique à vous faire sauter dans ses bras en criant « saluuuuut Nounouuuu ! » (ceux qui n’ont pas la réf, tant pis, vous auriez du naître dans les années 80 et pis c’est tout).
Elle s’allume une cigarette, flatte les PJs, et leur souhaite la bienvenue. La bienvenue en enfer.
Ils sont morts. Ils sont arrivés en enfer par le ferry, et sont promis à une éternité de servitude sous la férule d’un démon.
Alors tant qu’à être sous le joug d’un démon, autant en prendre un classe et sexy, vous en pensez quoi?
Notre groupe hésite, mais c’est vrai qu’elle est classe et sexy, et qu’il commence à se faire tard (l’étrange vrombissement qui empli les oreilles des joueurs ne sont d’ailleurs que les ronflements d’Aurelia et Cécile. Ah les jeunes, ça tient plus la distance, j’vous jure. Et non, ce ne sont pas ma diction soporifique et mon scénario inintéressant qui sont en cause!). A propos, elle s’appelle Nabban, la démone.
Alors bon. N’ayant detoute facons rien d’autre à faire de leur soirée, ils acceptent.
Ils ont l’air prometteur, nos loulous. Mais une petite mission pour les évaluer avant quand même, ce serait pas mal.
Un immeuble dans la Fosse, Nabban veut qu’on le vide de ses habitants. Nos protagonistes reçoivent du matériel (armes neuves, treillis avec des poches pour les cailloux, gilets pare-balles) et en voiture Simone, direction la Fosse. Et on sent qu’il se fait tard autour de la table, et que l’heure n’est plus à la tactique. Aurélia entre dans l’immeuble en gueulant « y a quelqu’un ? », Ulysse tente d’escalader la façade. La top-stratégie de la win. C’est là que le MJ recadre ses joueurs. Vous êtes crétins ou quoi? Un peu d’organisation, que diable (admirez l’expression tout en rapport avec la situation) !
L’organisation consistera à grimper les escaliers sur six étages, tous ensemble. Faut pas trop leur en demander, non plus. Une fois en haut, Caillou-man (pardon, Arnaud) fait preuve d’une persuasion sans précédent en exigeant le départ de la douzaines de nazes qui peuplent les lieux (jeunes, vieux, hommes et femmes, une petite communauté de squatteur) Esbaudis par la voix de Stentor d’Arnaud (et par les flingues tout neuf), les locataires remballent leurs petites affaires et déguerpissent.
Une affaire rondement menée.
Nabban les attends à la frontière de la Fosse, avec cinq contrats de servitudes, qu’ils signeront là, avec leur sang.
Un écran publicitaire s’anime non loin. C’est Satan qui apparaît. Le roi des enfers vient faire une déclaration officielle : Les humains de la Terre ont eu vent du projet des démons d’envahir le monde. Les espions rapportent qu’un Commando d’humain serait entré discrètement en enfer, pour saboter leur plan. Il n’en sait pas beaucoup plus, mais ils feraient partie d’un groupe para militaire qui porte des insignes avec trois lettres dessus : FFF.
Non rien à voir avec la fédération française de foot, de funk, ou de fist (moi non plus je ne sais pas ce que c’est, laissez-moi tranquille !). Ces trois lettres frappent l’esprit des pjs. Une phrase leur revient en mémoire : »Fight Fire with Fire ». Tout déboussolés par ce souvenir, ils embarquent avec Nabban vers un tribunal, où leur appartenance à Nabban est officialisée, grâce aux contrats, et à un collier qu’on leur passe autour du cou.
Nabban éclate d’un grand rire satisfait. Elle a enfin son groupe de serviteurs. Rien que pour elle.
Tou bi continuaide.

